Existe-t-il une meilleure façon de glisser dans le sommeil que de partir à la rencontre des animaux de la forêt qui se préparent eux aussi à s’endormir ? C’est à cette délicieuse mise en abyme que nous invite Au bois dormant, l’album de l’autrice américaine Karen Jameson illustré par le Français Marc Boutavant. Carnet de croquis en main, une adorable fillette se promène dans les bois en compagnie de son chien à la tombée de la nuit. Chemin faisant, guettant les habitudes nocturnes de chacun, elle croise différents animaux à qui elle chuchote une berceuse personnalisée. « L’ombre descend, immense élan ; assez nagé, sors de l’étang, couche-toi sur ton lit de feuilles, demain viendra en un clin d’œil. » Ours brun pattu, faon tacheté, renard agile, truite à robe d’argent, pivert au bec dur comme fer… Un doux bestiaire défile au fil des pages dans une ambiance automnale. Mais pour la naturaliste en herbe viendra aussi l’heure d’aller se coucher, non sans avoir constitué un étonnant carnet animalier.

« Nous avons eu un véritable coup de cœur pour cet album, notamment pour la superbe mise en images et les décors spectaculaires de Marc Boutavant, explique l’éditrice Camille Guénot. Toutefois, le texte, très chantant en anglais, nous est apparu de prime abord extrêmement difficile à traduire. Mais la traductrice Rose-Marie Vassallo s’en est diablement bien sortie ! » De délicates rimes rythment cette balade et transforment cet album en comptine qui guide les enfants sur la voie du sommeil. Plus que tout autre, le bien nommé Au bois dormant se prête à la lecture à voix haute et à l’interaction. Comme le petit chaperon bleu de l’histoire, chacun se plaira à souhaiter « Bonne nuit » aux hôtes de cette forêt avant de plonger, à son tour, dans le pays des rêves.

L’accumulation de biens matériels contribue-t-elle à nous rendre plus heureux ? Tel est le questionnement très contemporain auquel nous convie l’autrice et illustratrice britannique Emily Gravett avec Superflu, spin-off de l’album Le grand ménage, l’histoire du blaireau Benoît, obsédé par l’ordre et la propreté, paru en 2016. Nous voici de retour dans une forêt avec des habitants qui nous sont familiers. Les projecteurs sont cette fois-ci braqués sur un couple de pies, Meg et Ash, qui construisent leur nid pour accueillir leurs futurs oisillons. Tout se passe comme chez tous les oiseaux du monde. Paille, brindilles, herbe, boue, les pies s’affairent à assembler différents matériaux pour élaborer le plus douillet des abris. Sauf que Meg et Ash sont obsédées par le bien-être de leur progéniture. D’où leur frénésie, limite grotesque, à collecter différents objets pour satisfaire les éventuels besoins de leur descendance. Et les voilà embarquées dans une quête incessante du « toujours plus ». Commençant par de petits objets, telles des pinces à linge ou des chaussettes, elles se piquent bientôt de rapporter des biens de plus en plus volumineux, comme un landau ou même une voiture ! Au risque de mettre en danger l’équilibre du nid et la protection de leurs œufs.

« Emily Gravett est une artiste engagée, discrète mais active, qui soulève toujours avec humour des questions de société très actuelles, s’enthousiasme l’éditrice Camille Guénot. Superflu dénonce le matérialisme et nous rappelle l’essentiel : la nécessaire solidarité et l’entraide. » Aidées par leurs amis de la forêt, dont évidemment Benoît le blaireau, les pies vont s’alléger de cet inutile bric-à-brac pour se concentrer sur leur rôle parental. Et pour les jeunes lecteurs, le message se révèle lumineux : a-t-on besoin de consommer toujours plus pour vivre une vie riche et pleine ?